• Complainte des terre-neuvas

    Dans mon trois mâts goélette

    Mouillé su le Grand-banc

    J’entends toujours la « chouette »

    Quand se lève le vent !

     

    Le changement d’pâture,

    Ca dégace les veaux !

    Sur les Bancs, pas d’clôture,

    Mais jamais rien d’nouveau !

     

    Jus, patates et morue,

    A midi aux menus.

    Carte soir bien connue :

    Morue, patates et jus !

     

    Y’a trop d’vent, trop d’courant,

    La mer sera géhenne !

    Mais non ! crèche le palan !

    Vocifère le cap’taine.

     

    Le doris à la voile,

    Vu bien par vent portant !

    Mieux vaut nager sans toile,

    Dès qu’il devient sautant !

     

    Sur le Bonnet Flamand ,

    Y’a l’cachalot qui guette

    Pour qu’il rentre les dents

    J’lui  jette de belles moruettes !

     

    Du doris qui bouchonne,

    J’élonge mes hains boétés

    Si t’un le doigt huroenne

    Du couteau faut l’ôter !

     

    D’mes mains la cha ..  se casse !

    Avale ton boujaron.

    Oublie qu’t’as des crevasses

    Et souque sur l’aviron !

     

    Sur l’pont qui tangue et roule,

    Mes morues j’dois piquer ;

    Leur sang m’gicle à la goule,

    Mais j’étripe « sans tiquer » !

     

    Dans ma cabane humide,

    Où j’m’étends tout vêtu,

    A travers l’pont fétide,

    De l’eau me tombe dessus !

     

    Pour les p’tits choux des Bancs,

    Onguent miton mitaine,

    Mes poignets s’enflammant,

    J’y tourne un bout d’futaine !

     

    Du jours que l’on s’consume,

    En dérive dans l’doris !...

    T’entends la corne de brume ?

    J’entends l’déprofondis !...

     

    Celui qu’la vie recale

    Le malade condamné-

    Est mis sur l’sel en cale,

    A mourir sans gêner !

     

    D’la drisse de perroquet,

    Un jour sur le Grand-Banc,

    Pour n’en plus ouir,l’sifflet,

    En colmata le clan !

     

    Ce soir là sur les Bancs,

    Il tendait ses coudrettes

    Quand s’leva l’ouragan !

    Plus jamais n’ouit la « chouette »

     

    Bien trop chuintait la « chouette »,

    Et c’était trop d’tourments !

    Dessus l’trois mâts goélette,

    Mouillé sur le Grand-Banc !

     

    Michel  DUIDAL Plouer-sur-Rance et Saint-Jacut-de-la-Mer 1933


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