• Ce n'est pas si fantastique...

    Cash Investigation. Le recyclage du plastique

    CASH INVESTIGATION PLASTIQUE, LA GRANDE INTOX | FRANCE 2 / CASH INVESTIGATION

     

    Responsabilité des industriels, poids des lobbies, impact sur la santé. Avec « Plastique : la grande intox », Cash Investigation livre une enquête édifiante sur le recyclage massif du plastique : beaucoup de promesses, mais des stratégies souvent complètement à l’opposé.

     

    Pour son premier numéro de Cash Investigation, ce mardi 11 septembre, à 21 h sur France 2, la journaliste Élise Lucet tape fort avec une enquête fouillée sur le plastique, et notamment le recyclage, qui ne serait pas si prometteur qu’on pourrait le croire.

    Chaque seconde, on produit dix tonnes de plastique dans le monde. Toutes les deux secondes, une tonne finit dans l’océan. En 2050, il y aura donc plus de plastique que de poissons dans l’océan. Des multinationales ont pris l’engagement d’incorporer davantage de plastique recyclé dans la fabrication de leurs contenants.

    Mais l’enquête de Cash Investigation montre que ces belles promesses sont parfois loin d’être en adéquation avec les stratégies. La journaliste Sandrine Rigaud a enquêté pendant un an en France, aux États-Unis, en Tanzanie… Dans un film édifiant, elle souligne le poids des lobbyistes et montre leurs stratégies secrètes pour éviter toute mesure visant à limiter l’usage du plastique et même son recyclage.

     

    L'importance des lobbies

    « Le plastique est un sujet dont on parle beaucoup depuis six mois, souligne la réalisatrice, du fait des annonces gouvernementales » : recyclage de 100 % des plastiques d’ici à 2025, bonus-malus pour le consommateur qui payera plus cher une boisson dans un plastique non recyclé… « C’est la préoccupation environnementale la plus brûlante actuellement. Après avoir abusé du plastique, qui nous rend des services énormes, on est dans les années d’asphyxie. »

    Sandrine Rigaud met en lumière des liens très discrets qui existent entre des industriels de l’emballage et des associations de défense de l’environnement. Ainsi, l’association Gestes propres (dont les bénévoles ramassent les déchets dans la nature) est financée par des sociétés grandes utilisatrices de plastique pour leurs emballages (Coca-Cola, Danone, Nestlé, Haribo…). Le président de Gestes propres, Jean-François Molle, extrêmement embarrassé, admet ce financement… mais refuse de citer les entreprises.

     

    « Culpabiliser le consommateur »

    Pour la réalisatrice, l’objectif des industriels est de « culpabiliser le consommateur », de lui faire endosser la responsabilité de la pollution. « Le problème, ce sont les gens qui jettent les emballages n’importe où », réagit d’ailleurs un représentant de Coca-Cola.

    Les producteurs de plastique « mènent des stratégies de diversion pour que le mode de consommation et de production ne soit pas remis en cause, juge Sandrine Rigaud. Ils utilisent des associations, des paroles de scientifiques soi-disant indépendants, et n’arrivent pas en tant que lobbies de l’emballage, pour dire : « Continuons à produire autant de plastique. » C’est beaucoup plus subtil et insidieux. »

    Autre lien qui interroge : celui des lobbyistes des producteurs d’emballage avec Clean Europe Network (un réseau européen contre le dépôt sauvage des déchets). Les deux organisations siègent à la même adresse. Eamonn Bates, qui est à la fois secrétaire général de Clean Europe Network et lobbyiste pour les producteurs d’emballage, est très remonté contre la décision de la France visant à interdire la vaisselle plastique jetable à partir de 2020. Et menace de poursuivre le gouvernement français. Son argument laisse pantois : les gens n’auront plus de « scrupule » à abandonner leur vaisselle biodégradable n’importe où, soutient-il. Cela entraînera donc davantage de déchets « oubliés » dans la nature…

     

    Cash Investigation. Le recyclage du plastique

    CASH INVESTIGATIONPLASTIQUE, LA GRANDE INTOX | France 2 / cash Investigation

     

    Depuis plusieurs mois, Coca-Cola affirme son engagement pour « Un monde sans déchets » et un objectif de recycler, d’ici 2030, l’équivalent des bouteilles qu’elle commercialise (120 milliards chaque année). On comprend, dans l’enquête, que, dès 1970, la firme a commandé une étude comparant l’impact du verre et celui du plastique pour l’environnement. Aux États-Unis, les bouteilles de soda sont alors toutes en verre et consignées : l’entreprise collecte les bouteilles vides, les lave et les réutilise.

    L’étude conclut à la nette supériorité du verre sur le plastique pour l’environnement. « À cette époque-là, Coca-Cola a énormément d’avance, puisqu’elle lance la première étude d’impact environnemental, souligne Sandrine Rigaud. Mais elle met cette étude sous le tapis, et l’ingénieur qui l’a dirigée a interdiction d’en parler. Depuis cinquante ans, Coca-Cola sait donc qu’il y a un problème avec le plastique, mais l’enjeu était de continuer à en produire parce que c’est ce qui est le plus intéressant économiquement. Donc il fallait cacher le problème. »

     

    Enfin, l’enquête montre que le recyclage n’est pas la panacée. Déjà parce que recycler 100 % du plastique, « c’est impossible techniquement », soutient Sandrine Rigaud. Enfin, le plastique recyclé peut présenter des risques pour la santé. Pour fabriquer certains objets qui chauffent, comme des téléviseurs, des ordinateurs, des chargeurs, on ajoute en effet au plastique du brome, utilisé comme retardateur de flamme. Mais ce produit, un « polluant organique persistant » (POP), catalogué cancérigène probable, pourrait se retrouver, à des taux importants, dans des jouets fabriqués à base de plastique recyclé…

     

    Article paru dans Ouest-France


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