• Si l’hommage rendu par l’église romaine à Gaspard, Melchior et Balthazar date du IVème  siècle, la fête de l’Épiphanie n’a pris son essor qu’au Moyen Age. A cette époque, le merveilleux cortège des bons rois païens donnaient lieu à des représentations liturgiques, les mystères. La galette cachait déjà en son cœur une fève qui désignait le roi du jour. Ce monarque de hasard, investi d’un pouvoir éphémère, dérisoire, couronnait, comme de nos jours une personne de l’autre sexe. Une bonne occasion de se déguiser et de faire la fête… La galette réconciliait déjà chrétiens et païens, ciel et terre, tout en donnant, même aux plus mal nés, l’occasion d’oublier un moment leur triste sort. Mais, dès avant le christianisme, certaines coutumes populaires annonçaient le rituel gourmand qui est le nôtre.

    Pour les anciens Égyptiens, la fève était sacrée et dotée de pouvoirs surnaturels. Don printanier adressé par les ancêtres défunts à leur descendance, elle préfigurait le retour des jours meilleurs et le temps de l’abondance. En forme d’embryon ou de nouveau-né symbolisait la fécondité. Fruit généreux, elle était devenue l’instrument de la communication avec l’au-delà, la plus belle offrande que l’on puisse faire aux dieux, aux aïeux, à ses voisins, au moment des labours ou des mariages. A l’époque romaine, la fève était aussi au centre des festivités d’une toute autre nature, les Saturnales. Les esclaves régnaient alors le temps d’une fête débridée, durant laquelle tous les excès leur étaient permis. La galette a survécu à tout, même à la révolution, qui baptisait l’Épiphanie « Fête du bon voisinage » et la galette « Gâteau de l’éternité ». Le tour de force de la galette a été d’avoir su réconcilier l’inconciliable. Surgissant  du plus lointain passé, elle porte en elle la force magique de l’inconnu et de la surprise. Elle s’ouvre comme l’éventail de tous les possibles.

     

    Un savoureux mystère... 

     

    Sitôt passées les fêtes de fin d’année, la galette fait place à la bûche…

     

    En France : La galette est ronde et plate dans le Nord : pithiviers en pâte feuilletée garni de crème d’amandes ou, le plus souvent, de frangipane à partir du XIXème siècle. Le pithiviers est garni de cerises noires en Sologne ou en Limousin. La tradition de la galette sèche revient un peu partout. Couronne en pâte levée dans toute la moitié Sud. En Béarn, elle est parfumée au rhum et à l’anis vert. A bordeaux au cognac et au cédrat confit. En Rouergue, c’est une fouace à la fleur d’oranger. En Provence, c’est une fougasse parfumée au zeste de citron et aux fruits confits. Dans le Lyonnais et en Savoie, c’est une brioche garnie de pralines roses.

    En Espagne : L’Épiphanie est l’équivalent de nos fêtes de Noël. La couronne des rois (Roscón de los reyes), parfumée au rhum, à la fleur d’oranger, aux zestes de citron et aux fruits confits, se déguste au goûter, le jour de l’Épiphanie. La fève est un lapin en porcelaine ou une pièce de monnaie.

    En Grande-Bretagne : Il existe plusieurs gâteaux différents selon les comtés. Dès le Moyen Age, le gâteau rituel le plus courant contenait un haricot qui désignait le roi, ou Seigneur du désordre, et un pois qui devait échoir à la reine. En Cornouailles, le gâteau de la douzième nuit (Twelfth night cake), était garni de raisins secs, de cédrats et autres fruits confits. Il dissimulait une pièce de six pence, une timbale d’argent et un anneau. Celui qui trouvait la pièce n’avait pas de souci d’argent, celui qui trouvait l’anneau se marierait prochainement, mais celui qui trouvait la timbale pouvait s’apprêter à rester célibataire.

    En Allemagne : La pâte de la brioche des rois (Konigskuchen), est très levée car elle contient de la levure et des œufs battus en neige. Cette grosse brioche est tartinée de confiture d’abricots et parsemée d’amandes effilées. Elle contient généralement une fève ou un sujet de porcelaine.

    Au Portugal : C’est aussi une brioche des rois (bolo rei), très parfumée. Elle cache une fève et une petite surprise en métal. Celui qui trouve la fève est déclaré roi et doit impérativement offrir une autre brioche. 


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  • Lors des Saturnales (célébrées au solstice d’hiver en l’honneur de saturne), un roi était désigné pour prescrire des lois et régner sur les convives le temps d’un repas. Des fèves servaient alors de jetons de vote. Plus tard, l’Europe chrétienne sut camoufler ces fêtes païennes. Mais comment expliquer la présence d’une fève dans le gâteau des rois ? L’histoire ne manque pas de légendes pour justifier le mariage étrange d’une galette et d’une légumineuse. « Si le bienheureux roi d’un jour gagne le droit de faire un vœu, c’est sans doute parce que les fèves servaient à prédire l’avenir », disaient certains. « Mais non, soutiennent les autres, depuis qu’une fève désigna le jeune Brittannicus comme souverain, quand Néron et Agrippine usurpaient le trône, celui qui trouve la fève devient roi ».

    L’histoire de Peau d’âne et de sa bague oubliée dans un gâteau destiné au roi, aurait inspiré les fabricants de galettes. L’explication la plus plausible nous ramène au Moyen Age. La veille de l’Epiphanie, les chanoines de Besançon avaient pris l’habitude de désigner leur responsable en cachant une piécette d’argent dans une miche de pain. La pratique fut reprise par la population qui glissa un haricot blanc, symbole de vie et de fécondité dans le pain, en guise de pièce d’argent. Le pain sera vite remplacé par un gâteau qui prendra diverses formes suivant les régions.

    Ce n’est qu’en 1870 qu’apparaît la première fève en porcelaine. Elle représente forcément un enfant emmailloté. La rumeur veut que la production de fèves en porcelaine ne découle pas de l’astuce des porcelainiers de Limoges, mais… de la mesquinerie des gourmands. Parce que la politesse invitait le « roi du jour » à offrir aux convives une nouvelle galette, la plupart avalaient tout bonnement le haricot…

    Aujourd’hui les fèves d’origine sont très recherchées par les « fabophiles » (collectionneurs de fèves), d’autant plus que les figurines en plastique, en forme de ballon de foot ou à l’effigie de personnages de BD, remplacent bien souvent la noble porcelaine. Heureusement, les créateurs s’intéressent à leur passion. Des maisons comme Fauchon, Lenôtre, Dalloyau, ou encore Flo Prestige sollicitent les grands designers ou les grands couturiers afin de proposer des fèves d’exception aux consommateurs.

    Barnabaud, le célèbre porcelainier, renoue avec la tradition en proposant 350 mini-assiettes dissimulées dans de savoureuses galettes. Celles-ci s’arracheront dans le salon de thé de la rue Royale à Paris. Mais attention !, l’excès de fève peut vous mener tout droit à la « stephanophilie » et collectionner les couronnes coûte beaucoup plus cher…


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