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Le temps m'a demandé des jours passer le conte
Et moy j'ay répondu : le conte veut du tems
Car celuy qui sans conte a perdu tems de tems
Comment, s'il n'a du temps pourra-t-il rendre conte ?
Le tems m'a refusé de différer le conte
Soutenant que mon conte a refusé le tems
Que n'en ayant usé quand il était temps
En vain je demandoy du tems pour rendre conte.
O dieu ! Quel conte peut rappeler tems de tems
Et quel tems peut suffire à faire un grand conte
A qui vivant sans conte a mal usé du tems !
Hélas ! pressé du tems et plus pressé du conte
Je rens l'âme et ne puis rendre conte du tems
Puisque le tems perdu n'entre point dans le conte.
Recopié dans un registre paroissial d'après un manuscrit du 21 février 1704 du R. P. TILLON de Toury-sur-Abron (58)
Au TEMPS suspends ton vol... pour qu'on y trouve son COMPTE !
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Mon pays, c'est la plaine où chante la lumière,
Le golfe lumineux, au flot étincelant,
Une montagne blonde, à mes pas familière,
Brillant de tous ses feux, la nuit de la Saint-Jean.
C'est la fleur du pêcher, fragile sous la pluie,
Que déverse l'avril, capricieux mutin :
C'est l'âtre qui crépite où l'aïeule éblouie
Attise la cendrée aux lueurs du matin.
C'est la vigne blottie au cœur de la montagne,
Qui descend se baigner aux plages du Racou...
Le Vallespir en fleurs, les blés lourds de Cerdagne,
Et par dessus l'azur, le puissant Canigou.
Mon pays c'est le ciel triomphal de lumière,
Tous les feux de midi sur les fruits du verger :
L'aube intacte élevant au-dessus de l'Albère,
Comme une hostie en feu, le soleil retrouvé.
C'est la fille aux grands yeux, sur le chemin, qui passeSouple comme un rameau, par le vent balancé,
C'est l'adieu d'un rayon dans le soir, qui s'efface
Sur la tuile rougie au toit d'un vieux clocher.
Mon pays, c'est l'appel des chapelles romanes,
Parmi le chêne-liège et les micocouliers,
Le chant de la tenora et les nobles sardanes,
Que la brise disperse au hasard des halliers.
C'est l'homme aux bras noueux à la nuque brunie,Par l'ardeur des saisons et les travaux des champs.
C'est l'automne doré où la grappe cueillie
Se charge en vin nouveau qui exalte nos chants.
Mon pays c'est aussi le petit cimetière
Où crissent les grillons aux cris exaspérés,
Qui ont pour compagnon le soleil sur la pierre,
Dans le calme profond des farouches cyprès.
C'est la douce glycine à la fleur surannée,
La treille qui s'éveille aux rumeurs du matin,
Et ta splendeur unique ô Méditerranée,
Qui donne ton accent, à notre sol latin.
Mon pays, c'est l'odeur de la terre féconde,
Qui parfume mon cœur au rythme lent des jours :
C'est ta voix Roussillon qui gronde ainsi qu'une onde,
Lorsque le vent du nord siflle sur les labours.
De l'onde sans fureur mon chant d'amour s'élève,
Il s'en ira au loin sur les flots, emporté,
Et la mer doucement bercera comme un rêve,
La voix qui montera de son éternité.
Voyageur, si tu vois sur le bord de la route,
Fleurir près du genêt l'humble thym odorant :
Près du chemin désert, une chèvre qui broute,
Arrête-toi, c'est là mon pays catalan.
Lucien VILAR
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Pierre de Ronsard (né en septembre 1524 au château de la Poissonière , près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois et mort le 28 décembre 1585 au Prieuré se Saint-Côme en Tourraine , est un des poètes français les plus importants du XVIe siècle.
Mignonne, allons voir si la rose
A Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
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Poésie de la Marquise de Grignan, fille de Mme de Sévigné, en 1660
Ah ! vous dirais-je Maman
A quoi nous passons le temps
Avec mon cousin Eugène ?
Sachez que ce phénomène
Nous a inventé un jeu
Auquel nous jouons tous les deux.
Il m'emmène dans le bois
Et me dit: "déshabille-toi ".
Quand je suis nue tout entière,
Il me fait coucher par terre,
Et de peur que je n'aie froid
Il vient se coucher sur moi.
Puis il me dit d'un ton doux :
"Écarte bien tes genoux"
Et la chose va vous faire rire
Il embrasse ma tirelire
Oh ! vous conviendrez Maman
Qu'il a des idées vraiment !
Puis il sort, je ne sais d'où
Un petit animal très doux,
Une espèce de rat sans pattes
Qu'il me donne et que je flatte.
Oh ! le joli petit rat !
D'ailleurs, il vous le montrera.
Et c'est juste à ce moment
Que le jeu commence vraiment.
Eugène prend sa petite bête
Et la fourre dans une cachette
Qu'il a trouvée, le farceur,
Où vous situez mon honneur.
Mais ce petit rat curieux,
Très souvent devient furieux.
Voilà qu'il sort et qu'il rentre
Et qu'il me court dans le ventre.
Mon cousin a bien du mal
A calmer son animal.
Complètement essoufflé,
Il essaye de le rattraper.
Moi je ris à perdre haleine
Devant les efforts d'Eugène.
Si vous étiez là, Maman
Vous ririez pareillement.
Au bout de quelques instants
Le petit rat sort en pleurant.
Alors Eugène qui a la tremblotte
Le remet dans sa redingote.
Et puis tous deux, nous rentrons
Sagement à la maison.
Mon cousin est merveilleux
Il connait des tas de jeux
Demain soir, sur la carpette
Il doit m'apprendre la levrette
Si vraiment c'est amusant
Je vous l'apprendrai en rentrant.
Voici ma chère Maman
Comment je passe mon temps.
Vous voyez je suis très sage.
Je fuis tous les bavardages
Et j'écoute vos leçons :
Je ne parle pas aux garçons
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Dans mon trois mâts goélette
Mouillé su le Grand-banc
J’entends toujours la « chouette »
Quand se lève le vent !
Le changement d’pâture,
Ca dégace les veaux !
Sur les Bancs, pas d’clôture,
Mais jamais rien d’nouveau !
Jus, patates et morue,
A midi aux menus.
Carte soir bien connue :
Morue, patates et jus !
Y’a trop d’vent, trop d’courant,
La mer sera géhenne !
Mais non ! crèche le palan !
Vocifère le cap’taine.
Le doris à la voile,
Vu bien par vent portant !
Mieux vaut nager sans toile,
Dès qu’il devient sautant !
Sur le Bonnet Flamand ,
Y’a l’cachalot qui guette
Pour qu’il rentre les dents
J’lui jette de belles moruettes !
Du doris qui bouchonne,
J’élonge mes hains boétés
Si t’un le doigt huroenne
Du couteau faut l’ôter !
D’mes mains la cha .. se casse !
Avale ton boujaron.
Oublie qu’t’as des crevasses
Et souque sur l’aviron !
Sur l’pont qui tangue et roule,
Mes morues j’dois piquer ;
Leur sang m’gicle à la goule,
Mais j’étripe « sans tiquer » !
Dans ma cabane humide,
Où j’m’étends tout vêtu,
A travers l’pont fétide,
De l’eau me tombe dessus !
Pour les p’tits choux des Bancs,
Onguent miton mitaine,
Mes poignets s’enflammant,
J’y tourne un bout d’futaine !
Du jours que l’on s’consume,
En dérive dans l’doris !...
T’entends la corne de brume ?
J’entends l’déprofondis !...
Celui qu’la vie recale
Le malade condamné-
Est mis sur l’sel en cale,
A mourir sans gêner !
D’la drisse de perroquet,
Un jour sur le Grand-Banc,
Pour n’en plus ouir,l’sifflet,
En colmata le clan !
Ce soir là sur les Bancs,
Il tendait ses coudrettes
Quand s’leva l’ouragan !
Plus jamais n’ouit la « chouette »
Bien trop chuintait la « chouette »,
Et c’était trop d’tourments !
Dessus l’trois mâts goélette,
Mouillé sur le Grand-Banc !
Michel DUIDAL Plouer-sur-Rance et Saint-Jacut-de-la-Mer 1933
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